Profession, assassin
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 Chapitre 6 : Non !

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Tyra Zenf
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Tyra Zenf


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MessageSujet: Chapitre 6 : Non !   Chapitre 6 : Non ! Icon_minitimeVen 10 Avr - 12:14

Une fois chez elle, l’ex-assassin, excédée, claqua violemment la porte. Par Zeran, que lui prenait-il ?! Pourquoi capitulait-elle devant lui alors qu’elle ne s’était jamais rendue à personne ?! Ça n’avait aucun sens !
C’est alors qu’une petite voix dans le fin fond de son esprit, lui souffla une réponse… qui ne lui plut pas du tout. C’était parfaitement stupide ! Et totalement ridicule ! Elle ne pouvait pas être assez bête pour tomber dans le piège une seconde fois !
- Non ! s’écria-t-elle en se saisissant d’un gobelet resté sur la table, pour le fracasser au sol.
Pas calmée le moins du monde par ce geste, l’elfe traversa la pièce, piétinant les fragments de verre qui crissèrent sous ses pas. Sous le coup d’une agitation tout à fait inhabituelle, la jeune femme gagna la fenêtre et s’adossa à son embrasure, la mâchoire contractée par une colère difficilement contenue.
- Pourquoi ? hurla-t-elle encore dans le silence de sa demeure.
Visiblement, la dernière fois ne lui avait pas servi de leçon puisqu’elle refaisait la même erreur. Les sentiments étaient un piège. Un piège dangereux dans lequel elle s’était pourtant juré de ne plus jamais tomber.
- Idiote ! Idiote ! Idiote ! s’insulta-t-elle à voix haute.
Comment cela avait-il pu arriver ? Comment avait-elle pu laisser ça arriver ? Vingt-quatre heures ! Ils se connaissaient, se côtoyaient depuis à peine vingt-quatre heures et avaient pratiquement passé leur temps à affronter leurs volontés respectives ! C’était du délire !
Faible. Tu es faible, crut-elle entendre dire la détestable voix de Praven.
- Je ne suis pas faible ! s’écria-t-elle encore en appuyant sur les deux derniers mots.
Mais malgré ses dénégations, le mot outrageant résonnait en écho dans sa tête, sous-tendu par cette règle du Code des assassins qu’elle n’avait enfreinte qu’une fois : "S’attacher c’est être faible, être faible c’est mourir".
Désemparée pour la première fois depuis des années, Tyra s’assit dans le large encadrement de la fenêtre. Elle ramena ses jambes contre elle, avant de poser la tête sur ses bras au sommet de ses genoux, ses immenses cheveux la couvrant presque totalement.
Elle n’était plus assassin, mais le Code avait régi sa vie pendant si longtemps… Il avait été sa bouée de sauvetage après le naufrage de sa relation avec Kardan. Cesser de s’y conformer lui paraissait très difficile. Une belle ironie quand on savait qu’il avait été édicté quarante-cinq ans plus tôt par Ectelius Malornë, l’un des hommes qu’elle haïssait le plus au monde. Elle ne croyait pas aux coups de foudre. Elle n’y avait jamais cru, n’y voyant que des fariboles et illusions de nuages roses pour petites oies blanches sans personnalité… Alors, par Zeran, que devait-elle faire ? Comment se sortir de cette situation abracadabrante, de ce guêpier dans lequel son maudit cœur l’avait fourrée ?
Dis-lui la vérité, conseilla alors une insidieuse petite voix dans son cœur. Tu te sentiras mieux ensuite.
L’elfe releva brusquement la tête, comme pour fixer un interlocuteur inexistant, puis la secoua farouchement. Jamais ! Il ne saurait rien ! Plutôt mourir !
Elle marmonna quelque chose dans sa langue maternelle, à mi chemin entre les imprécations à l'encontre de son cœur encore bien trop sensible à son goût malgré tout ce qu'elle avait traversé et celles envers Adanën, cause bien involontaire de ce chamboulement interne.
L'ex-assassin se leva. Sur ses traits sans défaut, l'abattement avait cédé le pas à un air décidé bien plus dans sa nature. Rabattant la capuche de sa cape sur sa tête, elle se dirigea vers la porte d'un pas rapide et l'ouvrit, puis sortit dans la nuit d'un noir d'encre auréolée de myriades d'étoiles scintillantes comme des gemmes. Refermant derrière elle, l'elfe leva le nez comme pour humer l'air. L'automne n'avait pas encore ôté de l'Empire son manteau roux et fauve, pourtant, derrière, Tyra sentait poindre le linceul glacé de l'hiver à venir. Sous peu, la population de Sayanë se réveillerait les pieds dans une neige immaculée et craquante, que ne tarderaient pas à souiller des milliers de pieds, de sabots, de roues de chariots.
Sur ces considérations presque poétiques, elle s'en fut, ses pas la portant vers une taverne. En entrant dans la salle, toujours bruyante malgré l'heure tardive, son odorat sensible fut assailli par des relents empestant la sueur et la crasse. Sur le point de s'en retourner, la jeune femme se ravisa. Étant donné ce qu'elle était venue faire, qu'elle soit ici ou ailleurs ne changeait pas grand chose. Une fois qu'elle serait ivre morte, ses sens se trouveraient suffisamment embrouillés pour que rien ne revête plus la moindre importance. D'un pas alerte, elle se dirigea vers le comptoir sale et commanda au tavernier couturé d'horribles cicatrices, deux bouteilles d'alcool de rayazen. Lorsque, en paiement, l'ex-assassin posa royalement deux zalen devant l'humain, celui-ci arbora un air avide, si extatique qu'elle fut saisie de l'intuition qu'en soulevant son cache-œil, elle en découvrirait un tout à fait valide. Mais cela ne représentait aucun intérêt et elle se détourna en emportant ses deux bouteilles, laissant le tavernier se saisir de l'argent.
Une fois assise dans le recoin le plus sombre, elle observa les récipients posés devant elle. Deux... Oui, étant donné qu'elle tenait parfaitement l'alcool, il lui faudrait au moins ça avant d'être avinée au point d'oublier temporairement cette histoire de fous. En imaginant le grand et digne Adanën Saltaro obligé d’arpenter toutes les tavernes mal famées de la ville à sa recherche, le lendemain venu, elle ricana.



Et c'est exactement ce qui se produisit au matin lorsque, constatant l'absence de sa compatriote à son domicile comme à la tour du vieux Zandar, Saltaro se rendit compte que, s'il voulait la retrouver, il n'aurait que ce moyen. Il passa au peigne fin chaque taverne, chaque endroit mal fréquenté où il savait que la jeune femme aimait se rendre.
Sur le chemin, il fut arrêté par une bande d'anti-elfes, qui prétendait "lui apprendre que Sayanë était terre d'humains et non d'aberrations à oreilles pointues". Sans se départir de sa sérénité coutumière, l'ombrian les mit hors d'état de nuire, ce qui ne lui prit pas plus de cinq minutes et n'occasionna à ses agresseurs que des blessures bénignes. Il rejoignit ensuite la dernière taverne de sa tournée et ne tarda pas à apercevoir sa compatriote, littéralement affalée sur une table sale, et manifestement endormie. En s'approchant, il remarqua deux bouteilles couchées devant elle. Un soupir lui échappa. Que lui était-il passé par la tête ? Quel besoin avait-elle eu de s'enivrer de la sorte ? Retenant une nouvelle expiration bruyante, il se tourna vers le tavernier.
- Pourquoi ne l'avez-vous pas réveillée ? demanda-t-il.
L'homme haussa les épaules.
- Si vous croyez qu'j'ai qu'ça à faire...
- Vous ne mettez jamais les gens dehors pour fermer l'établissement ?
La question sembla amuser l'humain qui éclata d'un gros rire
- Zeran nan ! fit-il ensuite. Si j'faisais ça, les habitués viendraient plus et j'pourrais définitiv'ment fermer la boutique.
Adanën leva les yeux au ciel et s'approcha davantage de sa protégée, qu'il secoua un peu. Mais il est de notoriété publique que le sommeil d'un ivrogne est lourd. Très lourd. Il se résolut donc à la secouer bien plus fortement.
- Tyra ! l'appela-t-il.
Au bout de ce qui sembla une éternité, l'elfe ouvrit des yeux qui, s'ils possédaient toujours leur troublante nuance bleu glacier, étaient aussi injectés de sang.
- Adanën ? le reconnut-elle du fond de son esprit embrumé.
La jeune femme utilisait son prénom pour la première fois sans l'invectiver, mais l'ombrian ne s'y arrêta pas. Elle était encore plus pâle qu'à l'ordinaire et empestait l'alcool à plein nez.
- Oui. Allez viens, quittons cet endroit, fit-il en l'aidant à se lever, avant de passer le bras de sa compatriote autour de ses propres épaules et le sien autour de sa taille fine.
L'ex-assassin n'émit pas la moindre protestation. En fait, elle se laissa faire sans manifester la plus petite réaction. Tyra haïssait tant la faiblesse sous toutes ses formes qu'il était surpris qu'elle le laisse la voir dans cet état lamentable. Elle devait vraiment aller mal. Mais pourquoi ? Qu'avait-il bien pu se produire entre la veille et ce jour, pour transformer en une telle loque l'être fier et indomptable qui n'hésitait pas à lui dire ses quatre vérités ? Il l'ignorait mais ce devait être assez grave.
Tout en réfléchissant, il l'avait conduite à l'extérieur et se dirigeait à présent vers sa propre demeure, plus proche que la bicoque qu'habitait la jeune femme. Il lui faudrait d'ailleurs plusieurs heures avant d'être totalement dégrisée et elle en serait quitte pour un bon mal de tête.
- Adanën ? l'interpella-t-elle pour la seconde fois en cinq minutes.
- Hum ?
- Je t'aime.
La déclaration soudaine manqua faire perdre à l'elfe sa sérénité coutumière. Il ouvrit la bouche comme pour répondre, puis la referma.
- Mais oui, mais oui, fit enfin, du ton qu'on prend pour calmer un enfant, l'ombrian qui n'en croyait pas un mot.
Une fois chez lui, il l'allongea sur le lit et lui ôta ses bottes, avant de poser une couverture bien chaude sur elle. Il s'éloigna ensuite pour la laisser dormir. C'était la seule chose dont elle avait véritablement besoin. Il serait toujours temps de demander des explications quand elle irait mieux.



Lorsque Tyra se réveilla de longues heures plus tard, ce fut avec la sensation qu'une horde de seijas se battaient furieusement dans son crâne et celle, bien plus confuse, d'avoir fait quelque chose de particulièrement stupide. Mais impossible de savoir quoi. La jeune femme tenta de se redresser... pour abandonner lorsque la pièce se mit à tanguer plus fort qu'un navire pris par la houle. De plus, elle qui n'était jamais malade se sentait nauséeuse, ce qui s'avérait extrêmement désagréable. D'accord, elle avait compris quelle limite ne pas dépasser niveau alcool. Leçon apprise.
Soudain, quelque chose l'interpella. Plusieurs en fait : le décor inconnu, le lit qui n'était pas le sien... D'accord... elle était donc bourrée au point de ne pas se rappeler avoir couché avec... Avec qui d'ailleurs ?
Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage car le léger bruit qu'elle fit en remuant alerta Adanën. A son entrée, un seul mot vint à l'esprit de la jeune femme : NON !
- Bonjour Tyra. Comment te sens-tu ? questionna l'elfe en veillant à ne pas parler trop fort.
- Est-ce qu'on a... demanda alors l'ex-assassin qui, d'ordinaire parfaitement sans-gêne, se sentait bizarrement embarrassée au plus haut point par cette idée.
Connaissant les habitudes de sa compatriote, il ne fallut que quelques secondes à Saltaro pour comprendre de quoi parlait cette dernière.
- Non, rassure-toi, répondit-il calmement.
Un vif soulagement se peignit sur les traits de l'elfe.
- Comment te sens-tu ? interrogea-t-il à nouveau.
- J'ai connu mieux, rétorqua la jeune femme en grimaçant.
- Je m'en doute. C'est pourquoi je t'ai préparé quelque chose.
Sur ces mots, il la quitta quelques instants et revint avec un gobelet qu'il lui tendit. Elle considéra avec méfiance le liquide d'une couleur indéfinissable qui l'emplissait.
- C'est une potion pour ta gueule de bois, indiqua obligeamment l'ombrian. Bois-la et tu te sentiras rapidement mieux.
Sans plus hésiter, Tyra l'avala d'un trait et se rallongea, la pièce continuant à valser dangereusement.
L'ombrian prit place au bout du lit puis, après un instant de silence, demanda :
- Quelle idée de t’enivrer ainsi… Que t’a-t-il pris de faire une chose pareille ?
Cette question ramena l’elfe à ses cogitations de la veille et elle se renfrogna.
- Rien, bougonna-t-elle.
- S’est-il passé quelque chose de grave après ton départ ? questionna-t-il encore gentiment.
- Je t’ai dis que non ! explosa l’ex-assassin. Alors, par Zeran, fiche-moi la paix avec ta foutue sollicitude !
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Tyra Zenf
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Tyra Zenf


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MessageSujet: Re: Chapitre 6 : Non !   Chapitre 6 : Non ! Icon_minitimeVen 10 Avr - 12:14

Faible. Elle était devant lui dans un état de faiblesse contre lequel elle ne pouvait rien et l’en tenait pour unique responsable… même s’il ignorait tout.
Saltaro ne répondit pas. Mais il ne pouvait s'empêcher de s'interroger encore sur les raisons qui avaient pu la conduire à boire plus que de raison. Elle n'était pourtant pas le genre de personne à agir sur un coup de tête... Il dut la fixer un peu trop et trop longtemps car elle reprit d'un ton rogue :
- Quoi ?!
Pour la première fois depuis leur rencontre, Adanën parut déstabilisé et ne sut quoi dire. D'ailleurs, peut-être n'y avait-il rien à déclarer à ce sujet, ni sur aucun autre. Il se contentait de la regarder dans les yeux... et s'y perdit.
Le regard prolongé inhabituel fit perdre sa morgue à Tyra. Ce regard clair dans lequel elle ne lisait plus seulement la sagesse mais autre chose qu'elle n'arrive pas à définir. Quelque chose de plus... profond.
- Tu ne veux vraiment pas m'expliquer ? demanda-t-il lorsqu'il put s'arracher à la fascination subite qu'exerçaient sur lui les prunelles couleur glacier.
- Non, se contenta-t-elle de répondre en détournant la tête vers la fenêtre.
Elle s'était sentie rougir. Elle que rien ne gênait jamais. Rougir simplement parce qu'il l'avait regardée. Enfin il fallait bien avouer que se retrouver dans son lit ne facilitait pas les choses. Elle se secoua mentalement et serra les poings. Voilà qu'elle agissait de façon totalement stupide ! C'était ridicule ! Rien que le fait d'être retombée sous le charme d'un fichu ombrian était le signe qu'elle commençait à perdre la tête. "Souffrance et peur sont ne sont qu'émotions, les émotions ne sont qu'illusions". Elle le savait pourtant alors pourquoi ?
Le silence devint pesant, lourd de sens caché. A tel point que l'ombrian éprouva le besoin de se donner une contenance quelconque. Il se leva pour s’approcher de la cheminée dans laquelle le feu donnait de vagues signes de faiblesse. Se saisissant du tisonnier placé contre la pierre nue de l’âtre, il se mit à en remuer les braises. Durant quelques instants, il n’y eut d’autre bruit que le raclement du métal rougi fouaillant le cœur du brasier. Ce geste anodin lui permit de reprendre le contrôle de lui-même et il se tourna vers sa compatriote… juste à temps pour la voir fuir son regard. L'ombrian fronça les sourcils, seule entorse qu’il s’autorisait à son habituel stoïcisme. Il y avait bel et bien un problème. Cette fois le doute n’était plus permis. Soudain, la scène de la veille traversa l’esprit de l’elfe. "je t’aime" lui avait-elle déclaré. Se pouvait-il que ce soit la raison de sa mauvaise humeur ? Se pouvait-il qu’elle ne soit mue que par son incapacité à assumer ce qu’elle ressentait ? A peine cette idée lui eut-elle traversé l’esprit, qu’il secoua la tête. Non c’était tout à fait impossible. La veille elle était ivre, hors de son bon sens et elle divaguait, voilà tout. Il aurait voulu insister, mais cela aurait été plus que maladroit. D’autant que, braquée comme se trouvait l’ex-assassin, elle l’enverrait promener. Il valait mieux se montrer prudent et changer de sujet.
- Comment va ta tête ? demanda-t-il du ton le plus détaché possible.
- Mieux grâce à ton remède, répondit la jeune femme.
C’était vrai, elle se sentait bien plus en forme depuis l’absorption de la potion. Pourtant la sensation pénible la taraudait, refusant de la quitter. Elle devait en avoir le cœur net, même si elle était persuadée que la réponse ne lui plairait pas.
- Hier soir, quand tu m’as retrouvée, j’étais ivre, je le sais… mais ai-je dit ou fait quelque chose d’insensé ?
Saltaro hésita. Devait-il lui confier ce qu’elle avait déclaré dans un moment d’égarement causé par l’alcool ou le lui taire ? Quelle option serait salutaire pour elle ? Un bref coup d’œil à sa compatriote mit fin à ses atermoiements. Mieux valait le lui sceller. Si d’aventure ses paroles s’avéraient vraies, elle saurait bien les lui répéter en étant lucide ou, à défaut, le lui faire comprendre.
- Adanën ? fit-elle tandis qu’il mettait quelques secondes de trop avant de répondre.
- Non Tyra, mentit-il avec aplomb. Tu n'étais en état de rien.
Avec ces quelques mots, il aurait du désamorcer toutes ses craintes. C’est ce qui aurait du se produire. Mais l’impression restait encrée en elle, l’obligeant à insister à son tour :
- Si c’est le cas, je te demande d’être franc et de me le dire. Après tout, c’est ce que tu avais exigé de moi. Je ne peux pas te demander moins que la pareille.
Ces paroles touchèrent l'ombrian et, pour la première fois, mis au pied du mur érigé par ses propres règles, il ne sut plus que faire ni que décider.
Son manque de réaction fut comme un aveu silencieux pour Tyra qui commença à craindre le pire. Qu’avait-elle bien pu dire ou faire de si terrible pour que lui, qui méprisait pourtant le mensonge, éprouve le besoin de travestir la vérité ?
- Alors ? le pressa-t-elle, au supplice.
Incapable de se résoudre à rapporter une phrase qui le concernait de si près, l’elfe marmonna une phrase inintelligible, même pour une ouïe aussi entraînée que celle de Tyra.
- J’ai également des limites tu sais, railla-t-elle. Peux-tu répéter distinctement ?
Il ne pouvait plus cacher la vérité, mais la révéler était plus que sa modestie naturelle ne pouvait en supporter. Il devait donc trouver un biais pour lui dire ce qu’elle souhaitait, tout en ne le disant pas. Prenant sur la tablette proche un parchemin et une plume, il calligraphia un poème d’une écriture élégante :
Rencontre inopinée
Sentiments avoués
Eternité ?
La signification de ces quelques mots n’échappa pas à l’esprit vif de la jeune femme, dont la réaction ne se fit pas attendre : elle se redressa brusquement en le fixant, les yeux exorbités pleins de fureur à peine contenue.
- Non ! Tu mens ! s’écria-t-elle en jaillissant littéralement hors de la couche.
Avec des gestes secs empreints d’une extrême colère, elle remit ses bottes, se saisit de sa cape qui reposait sur un fauteuil, avant de l’enfiler et d’en rabattre la capuche sur son visage. Elle ouvrit ensuite la porte si violemment que le battant de bois alla frapper le mur avec force et en vibra quelques secondes.
- Tyra attends… essaya de la calmer l’elfe qui ne s’attendait pas vraiment à cette réaction.
Mais la jeune femme était trop en colère pour supporter de l’écouter et elle quitta la maison à grands pas rageurs, ne tardant pas à disparaître de sa vue.



Non, c’était impossible ! Elle ne pouvait pas croire une chose pareille ! Elle ne pouvait avoir été aussi stupide !
C’étaient ces pensées qu’elle se répétait en boucle depuis qu’elle avait précipitamment quitté la demeure de son compatriote. Frustrée, énervée, elle courait sans but à travers les rues, insoucieuse, pour une fois, que son visage soit découvert par sa capuche qui avait basculé. Elle martelait furieusement le sol de ses talons comme pour se purger de sa colère, de son malaise… Oui de son malaise… Elle était en colère, car gênée. Elle était gênée ! Un comble pour celle qui était réputée sans-gêne. De quoi avait-elle l’air à présent ?! Ridicule ! Elle était ridicule à ses propres yeux et probablement aux yeux de Saltaro également. Comment, même prise de boisson, avait-elle pu se laisser aller à dire ce qu’elle s’était juré de taire ?! Comme s’il n’était déjà pas assez humiliant de se trouver gouvernée par son cœur !
Soudain, elle s’immobilisa et, sur ses traits, la hargne fit place à la lassitude. Elle n’était plus assassin, alors pourquoi ? Pourquoi continuer à observer le Code qui régissait leur communauté ? Pourquoi continuer à lutter contre ses sentiments, contre elle-même ? L’inanité de sa réaction la submergeant comme une vague gigantesque, la jeune femme se laissa tomber à genoux sur le sol boueux de la ruelle. Les regards moqueurs des passants, la souillure de sa combinaison et de ses cheveux traînant au sol… elle n’accorda d’attention à rien. Pourquoi n’aurait-elle pas droit au bonheur, comme tout le monde ?
Au moment même où elle pensait ces mots, leur incongruité, formulée par elle, étira les lèvres de la jeune femme en un sourire d’autodérision. Le bonheur ? Quelle fadaise ! Depuis ce jour maudit de son adolescence, l’elfe savait que ce n’était qu’un vain mot, une chimère. Une illusion destinée à tromper les adolescentes romantiques. Il était impossible de trouver quelque chose qui n’existait pas. De toute façon, elle n’avait pas besoin de bonheur. Elle n’avait besoin de rien ni de personne. De personne. Même pas de lui. Cette tocade n’était que passagère. Elle lui passerait bientôt, c’était certain.
Ces quelques pensées lui ayant redonné sa volonté coutumière, Tyra se releva. Sa longue cape sombre claqua dans le vent et se plaqua contre son mollet, avant de se trouver libéré par une nouvelle rafale. Sa mâchoire contractée et ses poings crispés, combinés à ses cheveux d’ébène salis qui, soulevés par les bourrasques, ondulaient comme autant de vagues menaçantes, dissuadèrent les badauds d’approcher cette femme à l’allure inquiétante.
Elle n’avait pas besoin de lui.
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